La maçonnerie polygonale : le contexte.

    [...] « & que je me mis en état de ſervir la Compagnie Hollandoiſe des Indes Orientales , quoique dans un Emploi moins honorable. On ſait que ces Décendans de Japhet jouiſſent plus qu’au-cune autre Nation de l’Europe de la bénédiƈtion de Noé , bénédiƈtion qui conſiſte à habiter ſous les Tentes de Sem , & à avoir Canaan pour Serviteur. Par la bénédiƈtion de Dieu ſur leur valeur & ſur leur conduite , ils ont étendu leur Commerce & leurs Conquêtes dans l’Aſie , juſqu’aux extrémi-tez de l’Orient ; & il y a toujours eu parmi eux une ſuite non interrompue de Minisſtres prudens & habiles , qui leur ont rendu tous les ſervices qu’on pouvoit attendre d’une capacité conſommée. C’eſt par la bonté & ſous la proteƈtion de cette illuſtre Compagnie , que j’ai ſouvent obtenu dans les Indes ce que je ſouhaitois , & que j’ai eu enfin la ſatisfaƈtion de voir l’Empire du Japon , & la Cour du Souverain qui y regne,… Comme je ne pouvois guères parvenir à mon but , ſans lui apprendre le Hollandois , je lui enſeignai cette Langue avec ſoin ; & en une année de temps il l’écrivoit & la parloit mieux qu’aucun de nos Interpretes. J’ajoutai à ce bienfait les meilleures Leçons d’Anatomie & de Medecine que je puſſe donner , à quoi je joignis encore de gros gages. En recompenſe , il me fit avoir des Inſtructions auſſi étendues qu’il étoit poſſible , ſur l’Etat de l’Empire , ſur le Gouverne-ment , ſur la Cour Imperiale , ſur la Religion établie dans l’Etat , ſur l’Hiſtoire des premiers Ages , & ſur ce qui le paſſoit chaque jour de remarquable,… Voilà les Difficultez qu’il y a , & les Dépenſes qu’il faut faire , quand on eſt Etranger , pour s’inſtruire des Affaires du Japon , depuis que l’Entrée de cet Empire eſt interdite aux Etrangers. Je communiquerai au Public dans cette Hiſtoire ce que j’ai pu en apprendre. » (…) 

Les quelques lignes précitées et attribuées au naturaliste et médecin Engelbert Kaempfer, furent écrites dans The history of Japan : together with a description of the kingdom of Siam, sur la base du manuscrit nouvellement découvert par le collectionneur et botaniste Sir Hans Sloane ; elles constituent l’introduction de notre article portant sur la maçonnerie polygonale.

 

Avant tout, il convient de rappeler qu’une certaine connaissance du Japon avait été diffusée en Europe au XVIᵉ siècle grâce au travail des missionnaires sociétaires iesv (Societate IESV) tels que le navarrais François Xavier. Cependant, à la suite de la politique isolationniste japonaise instaurée lors de la période Edo à partir des années 1620 par Iemitsu Tokugawa, shogun de la dynastie des Tokugawa, les informations de première main sur le pays n'étaient en grande partie disponibles pour les Européens que via les marchands du VOC, Vereenigde Oost-Indische Compagnie, en français Compagnie néerlandaise des Indes orientales, stationnés à la factorerie de Deshima. Les récits hollandais de cette époque évoquaient des images romantiques d'un pays isolé aux coutumes mystérieuses, des vues qui coloraient les notions occidentales du Japon pendant la période de « prohibition maritime » Kaikin ou Hăijìn (海禁) ; le terme Sakoku (鎖国) doit en fait son existence au traducteur Shizuki Tadao dans son édition japonaise de 1801 de l'Histoire du Japon de Kaempfer. 

Ensuite de son séjour au royaume de Siam et plus exactement à Judea (Ayutthaya), sa capitale-usine et chef-lieu de l'état-major du VOC, Kaempfer exerça les fonctions de chirurgien sur l’île artificielle de Deshima à partir de l’année 1690 et restera à Nagasaki, sa ville noyau, jusqu'en 1692. Il put recueillir des notes détaillées sur l'histoire, la culture et l'histoire naturelle du pays, principalement lors de ses deux excursions accompagnant la procession néerlandaise annuelle vers la capitale, Edo (aujourd'hui Tokyo).

 

De retour en Europe en 1695, Kaempfer commença à prendre des dispositions pour publier ses découvertes. De son vivant, seule l’étude en latin de la botanique japonaise, Amoenitatum exotiquesarum, fut publiée en 1712. Après sa mort en 1716, tout le matériel qu'il rassembla et ses travaux préparatoires à la publication de l’Histoire du Japon iront à son neveu, qui, en raison de contraintes financières, les cèdera à Sir Hans Sloane (1660 –1753), et qui seront trouvés à leur tour par son secrétaire adjoint pour la correspondance étrangère, Gaspar Schöichzer ou Scheuchzer (1702–1729), le fils de Johann Jakob Scheuchzer, un naturaliste bien connu pour son travail dans les Alpes et sur les fossiles. La publication en deux volumes traduite en anglais qui en résulta, était dédiée au roi George II. C'est le récit européen le plus complet du Japon depuis plus d'un siècle et le premier ouvrage de ce type en anglais.

En raison de sa formation dans de nombreux domaines tels que les mathématiques, l'astronomie, les sciences naturelles et la médecine, Kaempfer est considéré comme la première personne ayant une approche scientifique des pays de l’Orient.

En fait et dans la réalité, les manuscrits de Kaempfer comprenaient en tout ou partie le travail du Gouverneur général des Indes, Johannes Camphuis. En effet, les francs du VOC étaient des marchands mais également des bâtisseurs ( Voyez le IOVRNAL DES VOYAGES de MONSIEVR DE MONCONYS,... Où les Sçauants trouueront vn nombre infini de nouueautez,...curioſités de Chymie,... pour exemple d'application). Surtout, la première version éditée de L'Histoire du Japon de Kaempfer s’appuie sur un manuscrit inachevé et nouvellement découvert en 1777, puis traduit par J.G. Scheuchzer en anglais, en français et en allemand avec ajout d’une biographie de l’auteur.

En fait, l'authenticité du livre est sujette à caution dès le XIXᵉ siècle, pour exemples d’application : 

Manuscrit original en latin jamais retrouvé. — Historia Imperii Japonici germanice scripta. — Londini, 1727, 2 vol. f

Oralité et musicalité du texte dissemblables aux deux précédents, passage d’un récit documentaire à une œuvre narrative en prose (voir Amoenitatum exotiquesarum. / par Kaempfer (1712) ; voyez Abstract of ‘’ Historia Imperii Japonici germanice scripta ab Engelberto Kaempfer (Ksempferûs Engelbertus).— Londini, 1727’’. / par R.G. Watson, Esq., (1873) ; voir Journal officiel de la République française. — Paris, 1870 ; voyez Variétés orientales historiques, géographiques, scientifiques, biographiques et littéraires. / par Léon de Rosny (1868) ; voyez Les produits de la nature japonaise et chinoise : comprenant la dénomination, l'histoire et les applications aux arts, à l'industrie, à l'économie, à la médecine, etc., des substances qui dérivent des trois règnes de la nature et qui sont employées par les Japonais et les Chinois. / par A.-J.-C. Geerts (1878-1883) ).

Pour autant, l'Histoire du Japon de Kaempfer intéresse car l’ouvrage littéraire contient, entre autres, des planches auxquels sont ajoutées des descriptions en arabe et en latin tirées d'authentiques gravures japonaises sur bois, dont celles-ci jointes au présent article, la première représentation contemporaine d'Edo à apparaître dans la littérature européenne et surtout, à notre connaissance, les premières représentations occidentales des structures en maçonnerie polygonale.

 

La maçonnerie polygonale : les fortifications nippones.

Au lendemain de la guerre d'Ônin, le Japon entre dans une nouvelle période appelée Sengoku, les fortifications se développent et des collectifs de tailleurs de pierre tels que Anō-shu, Echizen-shu, Owari-shu offrent leurs services aux Seigneurs de guerre, les samouraïs.

Ces maçons d’Orient vont exceller dans l’art des structures défensives et militaires : les Ishigaki.

Les Ishigaki sont des murs de fondation en pierre de soutènement construits sans liants sur un talus de terre incliné. Initialement destiné à maintenir un remblai, le remblai et le mur de pierre devaient fournir une base solide pour les superstructures en bois. Lorsque des portes, des donjons et des murs furent ajoutés sur le remblai, les ishigaki assumèrent une multitude de fonctions, formant la base et les côtés des portes et des donjons eux-mêmes, ainsi que les fondations des remparts et des douves. 

Les meilleures pierres pour l’édification des murs défensifs sont considérées comme ayant la forme d'un court pilier carré, environ deux à trois fois plus haut que leur longueur de base. Ce type de pierre est connu sous le nom de hikae (控え). Les pierres sont souvent nommées en fonction de leur forme ou de la façon dont elles ont été taillées. Par exemple, une pierre se rétrécissant à une extrémité est appelée kenchi-ishi (間知石), une pierre de galet *tama-ishi (玉石), une pierre de châtaignier utilisée pour combler les petits espaces creux *kuri-ishi (栗石), une pierre taillée *kiri-ishi (切石), et une pierre brute *non-ishi (野石). 

Toujours, il existe une variété de styles de construction en fonction du degré de taille et de préparation des pierres. Certaines de ces méthodes de traitement, dans l'ordre des pierres travaillées en surface aux plus travaillées en profondeur, sont :

La méthode d'empilage aléatoire *Ransekizumi (乱石積), pour exemple d’application : le château de Bitchū Matsuyama (備中松山城), Okayama ;

L’empilage de bardane *Gobouzumi (牛蒡積み), pour exemple d’application : le château de Matsue (松江城), Shimane ;

L’empilage de pierres naturelles *Nozurazumi (野面積み), pour exemple d’application : le château de Matsumotojou (松本城), Nagano ;

Le jointoiement par enfoncement *Uchikomihagi (打込矧ぎ), pour exemple d’application : le château de Nijō (二条城), Kyoto ;

L’empilement dit de tissu ou jointoiement horizontale *Nunozumi (布積み), pour exemple d’application : le château de Sendai (仙台城), Miyagi ;

Le jointoiement coupé *Kirikomihagi (切込矧ぎ), pour exemple d’application : le donjon principal *Edojou Tenshudai (江戸城天守台) du château d’Edo, Tokyo ;

La coupe en hexagones ou empilement d'écaille de tortue *Kikkouzumi (亀甲積), pour exemples d’application : le Château de Matsubara (松原城) à Osaka, et les remparts de la porte *Ootemon (大手門) au château d'Edo, Tokyo.

 

Une autre méthode de construction, le Sangizumi (算木積み), utilise des rondins de bois pour stabiliser les pierres. Généralement, les pierres de surface du rempart sont posées sur une base de pierres de plus en plus petites, de cailloux, de sable et de terre pour offrir une plus grande stabilité. Dans les zones humides, le pied du mur repose sur un socle soutenu par des poteaux en bois pour éviter l'effondrement. L'angle d'inclinaison du mur varie avec la hauteur du mur : plus la hauteur est élevée, moins l'inclinaison est forte (pour exemple d’application : le donjon du château d'Azuchi (安土城), Kyōto).

Il existe également une méthode d'empilement mixte appelée Seisoranzumi (整層乱積み). Fondamentalement, le Seisoranzumi suit la méthode d'empilage Nunozumi, mais les pierres sont disposées horizontalement ou verticalement, et un coin est découpé pour que les points horizontaux des blocs ne se rencontrent pas afin de garantir la stabilité du mur (pour exemple d’application : les remparts du "Layered Random Stack" (整層乱積) de l’enceinte principale du château d'Oka Honmaru (岡城本丸の) , Ōita.).

Ensuite, selon le KENROKU (1727) d'Ogyuu Sorai, il existe trois formes principales de mur de fortification : type 1 *murs de 45 degrés d'élévation, appelés narashi (ならし), dans lesquels seule la pierre la plus haute est complètement verticale ; type 2 *murs avec une élévation de 50 degrés et les 20 % supérieurs verticaux ; type 3 *murs avec une inclinaison d'environ 80 degrés. Le mur s'incline vers le haut selon une courbe concave, les 25 % supérieurs restants étant complètement verticaux. 

L’uchikomihagi est généralement utilisé pour le type 2, les coins et les surfaces des pierres sont martelés et aplatis autant que possible, l'écart entre les pierres et la surface du joint est considérablement réduit avant de procéder à l’empilement ; tandis que le type 3 est un kirikomihagi en maçonnerie coupé et inséré. Étant donné que les pierres façonnées en carrés sont en contact étroit les unes avec les autres, les lacunes sont absentes. Malgré une forte robustesse, le drainage n'est pas possible, un orifice de drainage est donc fourni. La pente d'un mur de pierre est appelée ishigaki-no-koubai (石垣の勾配) ou ishigaki koubai (石垣勾配、) et les joints entre les pierres sont appelés meji (目地). (voir les photographies jointes au présent de quo).

Les pierres les plus fréquemment utilisées était l'andésite, le granit, le porphyre de quartz et le gneiss. L'andésite et le granit sont des pierres faciles à travailler et seront largement utilisés dans la restauration des châteaux entre l'ère Keiō (fin de l'époque d'Edo) et l'ère Taishō.

Mais, aussi ingénieuses soient-elles, les fortifications nippones ne résisteront pas face à la puissance dévastatrice des grands séismes, des incendies et des guerres qui frappèrent la région tout au long des XVIII, XIX et XXe siècles. Nonobstant les échecs, ces ruines seront reconstruites sous le shogunat Tokugawa, puis sous la restauration de Meiji avec l’appui des héritiers du VOC, et enfin aux XX et XXIe siècles, non pas sur la base d’une stratégie défensive, mais plutôt avec des techniques occidentales innovantes amplifiées par l'usage de matériaux modernes avec en définitive comme objectif de faire de ces forteresses des attractions touristiques. Pour exemples d’application :

Le Château d'Odawara. Ce château subira de gros dommages lors du tremblement de terre de Genroku en 1703. Le donjon fut restauré en 1706. D'importants dégâts se produisirent à nouveau lors des tremblements de terre de Tenmei en 1782 et Kaei en 1853. Ensuite, le nouveau gouvernement Meiji ordonnera la destruction de toutes les anciennes fortifications féodales et, conformément à cette directive, toutes les structures du château furent démolies entre 1870 à 1872. En 1893, le socle en pierre de l'ancien donjon devient la fondation d'un sanctuaire shintoïste, le kubo Jinja. En 1901, la villa impériale d'Odawara est édifiée sur le site des anciens bâtiments intérieurs et secondaires, puis détruite par le grand tremblement de terre de Kantō en 1923, qui causera également l'effondrement de nombreux revêtements de pierre des remparts du château. Des travaux de réparation sont effectués sur les remparts de 1930 à 1931, mais avec une très mauvaise finition. En 1950, débutent les réparations sur la base de l'ancien donjon en ruines, le donjon est reconstruit en 1960 en béton armé. La restructuration continuera en 1971 avec l’édification de la porte Tokiwagi en 1971, la porte Akagane en 1997 et la porte Umadashi en 2009. Cependant, le donjon reconstruit n'est pas historiquement exact, car une plate-forme d'observation a été ajoutée à l'insistance des autorités touristiques de la ville d'Odawara. 

Le Château d'Osaka. En 1620, le nouvel héritier du shogunat, Tokugawa Hidetada, commença à reconstruire et à réarmer le château d'Osaka. Un nouveau donjon et de nouveaux remparts seront construits à cet effet. Les murs construits dans les années 1620 sont encore debout aujourd'hui et sont faits de blocs de granit imbriqués sans mortier. La plupart des pierres ont été apportées de carrières de roche près de la mer intérieure de Seto et portent les crêtes inscrites des différentes familles qui les ont fournies. En 1660, la foudre enflamma l’entrepôt de poudre à canon et l'explosion qui en a résulta mit le feu au château. En 1843, après des décennies de négligence, le château sera restauré. Mais en 1868, il sera de nouveau incendié lors des conflits civils entourant la restauration de Meiji. En 1931, le tenshu en béton armé est reconstruit. Le 14 août 1945, les bombardements américains visant l'arsenal, détruiront le château. En 1995, le gouvernement d'Osaka approuve un projet de restauration, dans le but de redonner à la tour principale sa splendeur de l'époque d'Edo,.. En 1997, la restauration est achevée. Le château est une reproduction en béton armé (y compris les ascenseurs) de l'original et est conçu comme un musée moderne et fonctionnel.

Le Château de Shibata. Une grande partie du château a été détruite par un incendie en 1668 et reconstruite en 1679. L'actuelle porte principale d'Omotemon (photographie jointe au présent article) date d'une reconstruction de 1732 et est la plus ancienne structure survivante du château. Après la restauration de Meiji et l'abolition subséquente du système han, le château sera mis en garnison par un détachement de l'armée impériale japonaise, et en 1873, la plupart des structures seront démolies, puis en partie reconstruites. En 2004, le Sangai Yagura (三階櫓) et le Tatsumi Yagura (辰巳櫓) à trois étages sont reconstruits à partir de photographies et de dessins anciens. Et en 2006, le château de Shibata est classé parmi le Top 100 des plus beaux châteaux du Japon par la Japan Castle Foundation.

Le Château de Shuri. Jusqu’en 1879, le palais du royaume Ryukyu, fut laissé à l’abandon. En 1945, lors de la bataille d'Okinawa, il fut entièrement détruit. À partir de 1992, la citadelle centrale et les murs sont en grande partie reconstruits sur le site d'origine et sur la base de documents historiques, de photographies et de mémoire. Le matin du 31 octobre 2019, les structures de la cour principale du château sont de nouveau détruites dans un incendie. Contrairement à ses semblables, le château de Shuri fut fortement influencé par l'architecture chinoise, avec des éléments fonctionnels et décoratifs similaires à ceux que l'on voit principalement dans la Cité interdite. D'autres bâtiments, tels que le Nanden ou le Hokuden n'ont été restaurés que sous forme de façades ; les intérieurs réalisés avec des matériaux modernes tels que l'acier et le béton. La rénovation actuelle est conçue en mettant l'accent sur le rôle du château en tant que centre culturel et politique, plutôt qu'à des fins militaires. 

Le Château d'Uwajima. En 1854, une grande partie du château fut endommagée par le grand tremblement de terre d'Ansei. Ensuite, en 1860, une rénovation majeure fut entreprise dans les premières années de Man'en. La tour du château sera restaurée, mais l’édifice sera de nouveau détruit par un raid aérien américain pendant la guerre du Pacifique. En 1965, l’édifice est désigné comme bien culturel et en 1994, commence la réparation des remparts de Honmaru et Ninomaru. Le 6 avril 2006, le château est sélectionné parmi le Top 100 des plus beaux châteaux du pays, puis en 2016, les ruines du Sakuji-bugyō intègrent les monuments historiques.

 

La maçonnerie polygonale : la diffusion des connaissances.

En fait, les techniques traditionnelles de taille sous les Tokugawa bénéficieront de l’appui technologique des nations occidentales (voir la révolution industrielle) tout au long de la restauration de Meiji, la période de l’histoire du Japon correspondant au renversement du shogunat Tokugawa qui débouchera en 1868 sur la mise en place d'un nouveau système étatique dans le pays, l’Empire.

C’est grâce à un homme, le Commodore Matthew Perry des États-Unis, qui fera étalage de la puissance de ses canons Paixhans embarqués dans une flotte menaçante de dix navires de guerre, que le pouvoir shogunal se pliera aux exigences marchandes de l'Amérique états-unienne en signant la convention de Kanagawa. Ce traité est considéré comme le début de l'ouverture commerciale du Japon à l'Occident.

D’ailleurs, en visite sur l'île principale d'Okinawa en mai 1853, le Commodore notera que les Ishigaki semblaient avoir été conçus pour absorber les tirs de projectiles. Le militaire reconnaîtra le haut niveau de technologie de construction et de génie civile dans un rapport très détaillé.

Pourtant, avant le Bakumatsu (1853 - 1867), l’échange technologique entre les puissances du moment était une entreprise délicate, surtout sous la politique isolationniste japonaise instaurée par les shoguns en réponse au travail de déconstruction culturelle et sociale initié par la Societate Jesu et, au pillage des ressources minières de l’Archipel. La technologie n’est pas un bien comme un autre. C’est un savoir, un art. A ce titre, faire preuve de doigté est indispensable dans ce genre d'affaire, surtout face à un pouvoir méfiant à l’idée de se voir déposséder d’actifs intellectuels d’importance stratégique au profit de puissances pacificatrices. 

En fait et dans la réalité, seuls les francs du VOC étaient à même de concilier les canaux marchands de transfert de technologies et la diffusion de connaissances hors marché. Dans un premier temps, la technologie et le savoir correspondant seront transférés via des transactions volontaires dans le but de commercialiser et/ou d’exploiter des technologies nouvelles dans le pays récepteur avec l’ouverture d’une concession de licences aux Néerlandais sur l'île de Deshima. 

Et dans un second temps, les connaissances seront diffusées dans le pays récepteur sans aucune transaction commerciale. Dans le cas d’espèce, les Rangaku (蘭学), signifiant littéralement « études néerlandaises » et par extension « études occidentales » comme discipline d'analyses développées par le shogunat Tokugawa lors de ses contacts avec les Pays-Bas. C’est ainsi que le Japon bénéficiera des grandes avancées scientifiques occidentales des XVIIIe et XIXe siècles. Toutes les disciplines et tous les sujets seront étudiés : Médecine, Biologie, Physique, Chimie, Géographie, Optique, Mécanique (voir les karakuri ningyō (からくり人形), les poupées mécaniques ou automates fabriquées au Japon entre les XVIIe et XIXe siècles), Aéronautique (voir l’illustration des aéronefs dans Divers comptes des nations européennes ,… L. Divers récits hollandais - Chroniques des cheveux rouges 『紅毛雑話』par Morishima Chūryō, 1787). 

En outre, l’application des connaissances dans le domaine militaire se concrétisera avec le centre d'entraînement naval de Nagasaki fondé en 1855 à l'entrée de l’ancien comptoir commercial des francs, tenant compte au maximum de l'interaction avec la connaissance navale néerlandaise. Surtout, le centre sera équipé du premier navire de guerre à vapeur du Japon, le Kankō Maru, donné par le gouvernement des Pays-Bas en 1855, ce qui est l'une des dernières grandes contributions des Néerlandais à la modernisation du pays, avant que le Japon ne s'ouvre définitivement aux autres influences d’autres contrées étrangères.

Beaucoup d'érudits du Rangaku continueront à jouer un rôle important dans la modernisation du Japon malgré la faillite de la compagnie du VOC en 1798, puis de sa dissolution, en conséquences des guerres napoléoniennes. 

En définitive, le Rangaku sera le sel d'une culture scientifique théorique et technologique.

Ce travail délicat d’échange mutuel donnera lieu également à une évolution des principes de l'architecture militaire défensive dans l’Europe de la première moitié du XIXe siècle. Pour exemples d’application : 

Le Bastion de San Bernardino à Vérone et ses murs de style Carnot, ce type d'ouvrage démoli par la Grande Armée en 1801, puis reconstruit en 1836 par les Autrichiens, tient son nom de son créateur, le physicien et ingénieur du génie militaire français, Nicolas Carnot, fils de Lazare Carnot et oncle du président Sadi Carnot sous la troisième République.

Le bastion Sanmichelian, démoli entre 1801 et 1802 par les troupes napoléoniennes, puis reconstruit en 1835 sur commande de l'Empire austro-hongrois.

Le fort Vellore reconstruit dès 1817 par les officiers du 34th Cumberland Regiment of Foot stationné sur les rives du fleuve Palar dans l'État du Tamil Nadu en Inde.

La forteresse de Bomarsund et sa maçonnerie polygonale en écaille. Le plan adopté pour la construction était basé sur les concepts de l'ingénieur français René de Montalembert. La construction de ce fort qui était la pièce maîtresse du complexe défensif russe et la plus grande structure jamais construite sur les îles Åland, débute en 1832 sans toutefois être menée à terme (voir la guerre de Crimée).

Le système de fortifications de Komárom. Ce système de fortification de la ville de Komárno sur les rives du Danube et du fleuve Váh est la plus grande fortification de Slovaquie et, dans son ensemble, est la plus grande fortification l'Empire austro-hongrois. La construction du système de fortification suivra les plans du génie militaire dirigée par le lieutenant général Johann Gabriel von Chasteler, puis sera modernisé entre 1827 et 1839.

Les fortifications de Gustavssvärd. En partie reconstruites en 1808 par les forces d’occupation russes suite au pacte signé entre Alexandre Ier et Napoléon. Par le traité de Fredrikshamn en 1809, la Finlande fut détachée de la Suède et devint un grand-duché autonome au sein de l'Empire russe. 

La forteresse de Daugavpils. La construction de la forteresse débute en 1810 sous la direction du colonel Haeckel guidé par les règles de l'école d'ingénieurs française. Le militaire présente un nouveau projet sur le système Vauban, amélioré par M. de Carmontagne ou L. de Cormontaigne, commentateur de Vauban. Deux entreprises pionnières sont envoyées depuis Saint-Pétersbourg, au printemps 1812, les travaux de construction se poursuivent, mais au début de l'offensive de la Grande Armée, le chantier sera abandonné.

 

La maçonnerie polygonale : de l’art de la guerre à l’art de l’oubli.

Avant 1800, il était convenu d’accorder la paternité de l’œuvre à l’Asie, puis le plus grand changement technique à l'art de la guerre sera apporté par le développement remarquable de l'aéroplane, du sous-marin, du bateau à vapeur et de son artillerie navale destructrice, ouvrant, de ce fait, une ère nouvelle, donnant plus de souplesse et de vitesse aux déplacements des troupes ainsi qu'à la transmission des ordres et rapports, rendant obsolète la fortification des villes et l’art de la guerre sur terre ferme (voir le rapport de M. de Cartmontagne / M. de Cormontaigne sur la fortification de Paris ; voir l'influence des opérations navales sur les opérations terrestres dans la guerre de Crimée).

 

C’est en 1807, qu’il sera décidé d’associer la maçonnerie polygonale à l’archéologie en consentant le maintien de la paternité de l’œuvre à l’Archipel nippon, pour exemple d’application, voyez le rapport sur les travaux de la classe d’histoire et de littérature ancienne , fait par M. Ginguené , l’un de ses membres , à l’assemblée générale de l’Institut , le lundi 7 juillet 1807. (p.457). Mercure de France : journal politique, littéraire et dramatique / par une société de gens de lettres,… Tome 29 À Paris, de l’imprimerie de le Normant (1807).

 

Très vite, cet ouvrage de retranchement tactique sera agrégé à la civilisation gréco-romaine, pour exemples d’application, voyez Monumens de la Grèce, ou Collection des chefs-d'oeuvre d'architecture, de sculpture et de peinture antiques... par J.-G. Legrand,... T. I Legrand, Jacques-Guillaume (1743-1807). publié en 1808 chez Treuttel et Würtz. Et, Voyage pittoresque de la Grèce. T. 2. 1ère partie / [par le Comte de Choiseul-Gouffier] Choiseul-Gouffier, Marie-Gabriel-Florent-Auguste de (1752-1817), publié en 1809.

 

Ensuite, avec les travaux audacieux du prêtre et archéologue Louis Charles François Petit-Radel sur les Pélasges, l’on associera la paternité de ces murs renommés « cyclopéens » aux peuples les plus éloignés de l’Antiquité, pour exemple d’application, voyez le Discours sur LES MURS SATURNIENS, OU CYCLOPEENS ; Par M. de FORTIA D’URBAN, Chevalier de la Légion-d’Honneur, de l’Académie d’Archéologie,.. T. 777, Octobre 1813. Ss. Journal de physique, de chimie, d'histoire naturelle et des arts.

À noter qu’en raison de ses théories novatrices sur la construction des murs cyclopéens et sur la culture nuragique, l’archéologue Petit-Radel très déprécié avant 1808, sera fait chevalier de la Légion d'honneur par ordonnance royale du 19 octobre 1814, et obtiendra le poste de conservateur de la Bibliothèque Mazarin au cours de la même année. 

En 1843, une consécration posthume sera rendue au chercheur Petit-Radel dans le JOURNAL DES SAVANTS, le plus ancien périodique littéraire et scientifique d'Europe.

Peut-être, l’hommage est-il en rapport avec les recherches effectuées au début du XIXᵉ siècle par le capitaine Dupaix, un militaire d’origine luxembourgeoise qui fit carrière au sein du régiment des Dragons de l’armée espagnole, et qui seront pionnières pour les cultures amérindiennes qui étaient encore fort méconnues en ce début de siècle. Pour exemple d’application, voyez Antiquités mexicaines, relation des trois expéditions du capitaine Dupaix, ordonnées en 1805, 1806 et 1807, pour la recherche des antiquités du pays, notamment celles de Mitla et de Palenqué. Tome 1-2 / ... suivie d'un parallèle de ces monuments avec ceux de l'Égypte, de l'Indostan et du reste de l'ancien monde, par M. Alexandre Lenoir,... d'une dissertation sur l'origine de l'ancienne population des deux Amériques et sur les diverses antiquités de ce continent, par M. Warden,... avec un discours préliminaire par M. Charles Farcy,... et des notes explicatives et autres documents, par MM. Baradère, de St-Priest et plusieurs voyageurs qui ont parcouru l'Amérique.... 1834-1836. 

つづく