Faux et usage de faux: Le cas du Honduras
En 1937 pendant la période carienne (1933-1948), à l'initiative du président Tiburcio Carías Andino, débutent les travaux de conception et de construction d'un site récréatif et écologique à El Picacho. C’est à Augusto Morales y Sánchez, un éminent architecte de nationalité mexicaine que seront confiées la conception et la construction de ce bel espace public situé dans le Barrio Abajo du centre historique de Tegucigalpa.
Morales y Sánchez installe son atelier sur le site de construction et fait appel aux services d’archéologues, de sculpteurs, de jardiniers et de plusieurs maçons. La première phase d’aménagement s’étale sur quatre ans, d'octobre 1935 au début de l’année 1939. Le style est néo-indigène, puisqu’à la demande de l'autorité militaire, l'architecte doit trouver son inspiration dans l'architecture maya du sud du Mexique et du site de Copán à l'ouest du Honduras. Le parc est inauguré le 15 mars 1939 sous le nom de Jardín Maya La Concordia.
Concomitamment, l’architecte se lance dans l’édification du Temple des Kukulcanes, sa construction dure onze ans de 1937 à 1948 et est situé à l’extrémité du parc. Les motifs mayas sont basés sur des représentations de temples à Chichén Itzá, Palenque et Copán.
À l'intérieur du parc, l’on peut ainsi contempler la pirámide de Kukulcán, la stèle C de Copán, l'autel Q, la pergola ou temple des Zots. De plus, tout le mobilier urbain comme les lanternes, les bancs et les poubelles a été sculpté d'ornements, de symboles et de hiéroglyphes mayas.
L'objectif du projet est double: Développer le secteur du tourisme et appuyer la construction d’un « récit national ».
En effet, les pyramides du plateau de Gizeh, site phare du tourisme égyptien inspirent les autorités honduriennes ; le tourisme est depuis peu une ressource en devises pour l'Égypte et les « Salons honduriens » perçoivent tout le potentiel de ce qui deviendra l’un des principaux secteurs d'activité.
Ensuite, l’État-major doit établir la légitimité du caractère organique de l'État par l’édification d’une histoire glorieuse qui s’impose non seulement par sa taille et la richesse de son architecture, mais également par la sacralité qui s’en dégage.
La junte militaire théorise donc l’organisation d’un proto-État autour de la notion de « système palatial », un système d'organisation économique et social dans lequel une part substantielle de la richesse passe par le contrôle d'une administration centralisée, le palais. Il va se créer une histoire romancée et imposée à tous les universitaires. Les manuels scolaires sont révisés, la civilisation « maya » se substitue à l’ethnie Pech originelle du Honduras et l’une des rares ethnies nomades d’Amérique Centrale.
Un événement intéressant se produit en 1946, après la Seconde Guerre mondiale, lorsque le site est baptisé « Parc des Nations Unies », en l'honneur de la naissance de l'organisation internationale du même nom, composée de plus de 50 pays, en 1945.
Ensuite, le 2 août 1946, le premier congrès mésoaméricain des archéologues d'Amérique centrale et des Caraïbes se tiendra sur le site.
Surtout, le 18 janvier 1947, le Honduras aura l'honneur de recevoir le premier secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), Tyrgve Halodanlye, qui parcourera l'enceinte de l'œuvre merveilleuse et apposera sa signature sur le « livre d'or » d'El Picacho ; fort de son succès, le gouvernement réitéra l'opération à Maya Key (Roatán), une île paradisiaque des Islas de la Bahía, dans la mer des Caraïbes.
L'architecte Morales y Sánchez est l'auteur du livre Copantl, Jardín Maya « La Concordia », publié par les ateliers de lithographie Aristón de Tegucigalpa le 1er janvier 1947. Il était membre du Lions Club de la ville et fut nommé directeur du Parc national des « Nations Unies » et du Jardin botanique annexe.
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*Dieu de la renaissance, il joue un rôle identique à celui de Quetzalcóatl, le « quetzal-serpent », c'est-à-dire « serpent à plumes de quetzal » chez les Aztlántes (Aztèques).