Cnossos : du faux au kitsch
Dans la deuxième moitié du XIXᵉ siècle, sous l’impulsion de Heinrich Schliemann qui fera Troie, Mycènes et Tirynthe, la préhistoire grecque devient un centre d’intérêt pour les savants qui déterrent le monde d’Homère. On doit la renaissance de Cnossos à Sir Arthur John Evans.
Dans la même veine, le britannique Sir Arthur John Evans, fera renaître la légende du Minotaure et de son labyrinthe construit par Dédale pour le roi Minos.
Arthur John Evans est le fils d’un riche industriel anglais éduqué et de bonnes mœurs, passionné d'objets d'antiquité. Son père archéologue lui-même, le sensibilisera à la « Préhistoire », et par la suite soutiendra financièrement ses projets.
Entre 1870 et 1874, il étudie au Brasenose College, l'un des collèges constitutifs de l'université d'Oxford, où il suit une formation de philologie classique et de numismatique, sa formation comprend donc des connaissances linguistiques, littéraires et historiques.
Durant toute sa scolarité il se forge un solide réseau de professionnels du métier, parmi lesquels l’on retrouve Sir John Gardner Wilkinson, un éminent égyptologue, pour qui il travaillera en 1873. L’Egypte gardera une place majeure dans les travaux d’Evans, comme paradigme de comparaison avec ce qu’il dévoilera en Crète.
À la tête de l’Ashmolean Museum, Evans a pour objectif de promouvoir sa conception de l’archéologie qui, selon lui, doit jouer un rôle majeur dans la rédaction de l’Hiſtoire. En ce sens, il favorise la diffusion de ses idées en multipliant les salons et en donnant des cours d’archéologie préhistorique à Oxford. Son sens du journalisme et de la communication ont grandement contribué à mettre en valeur ses théories et ses méthodes.
C’est en 1894 que débutent les fouilles de Cnossos qui feront la célébrité d'Evans. Son savoir encyclopédique, son charisme et ses moyens financiers lui permettront de donner une impulsion considérable à l’étude des civilisations protohistoriques de la Grèce moderne.
Mais combien sont ceux qui savent que tout, ou presque, est le fruit de l’imagination débordante d’un seul homme ? Oscillant entre restauration et contrefaçon, le plus vieux site archéologique de Méditerranée est un formidable miroir de l’Art nouveau.
En fait et dans la réalité, les chefs-d’œuvre de l’art minoen ne sont pas ce que l’on croit. Les fresques aux couleurs vives qui décorent les murs du palais protohistorique de Cnossos, et qui sont les fleurons du Musée archéologique d’Héraklion, en passant par les colonnes rouges du temple crétois, ont été créées de toutes pièces dans les années 1920 sous l'impulsion de Sir Arthur Evans, les bâtiment furent entièrement construits en béton armé.
Le modèle civilisationnel minoen tel qu’il a été élaboré par Evans devait recouvrir une partie du néolithique jusqu'à l’âge du bronze dans son entièreté. L’artiste n’a pas seulement baptisé cette civilisation, il en a forgé l’image. Evans théorise donc l’organisation de la civilisation minoenne autour de la notion de « système palatial », c’est-à-dire un système d'organisation économique et social dans lequel une part substantielle des richesses passe sous le contrôle d'une administration centrale. Le Palais-Major semble s’imposer non seulement par sa taille et la richesse de ses monuments, mais également par la sacralité qui s’en dégage. Pour Evans, l’homme à la tête du palais ne peut être qu’un prêtre-roi, une sorte de magistrat suprême, à l’instar de Minos en Hadès. Mais ce qui fait de Cnossos un chef-d'œuvre en la matière réside dans le fait que l’archéologue éleva la civilisation minoenne au rang de foyer des cultures et des civilisations européennes. Dès lors il propose un système chronologique effectif et étendu à toute la mer Egée. Evans propose donc un découpage chronologique de l'histoire de la civilisation minoenne, traduit comme suit : le Minoen ancien (3100-2000) ; le Minoen moyen (2000-1550) et le Minoen récent (1550-1100).
La fabrication du mythe crétois est explorée pour la première fois dans toutes ses dimensions dans un ouvrage tout à fait remarquable, non traduit en français, intitulé “Knossos and the prophets of modernism”, par l'historienne culturelle Cathy Gere.
https://press.uchicago.edu/.../book/chicago/K/bo6680340.html
Minos Kalokairinos: Le compagnon d’infortune qui a découvert Cnossos
Le personnage intéresse pour comprendre le lien intrinsèque entre découverte archéologique et mouvement artistique auquel appartient l’auteur de la découverte car nul n'est censé ignorer que l’art répond à la psychologie d’une époque.
C'est en effet le bien-nommé Minos Kalokerinós qui mit au jour ce qui deviendra le palais du légendaire roi crétois Minos.
Minos Kalokairinos est un homme d’affaires, né à Héraklion en 1843. Il est le fils d'Andreas Kalokairinos, le propriétaire des terres du site de Cnossos.
La manufacture de savon qu’il gère n’est pas vraiment rentable, aussi Minos se passionne très vite pour l’archéologie.
Les fouilles de la propriété familiale commencent donc en 1878 et ne dureront que trois semaines suite à l’interdiction imposée par les autorités turques. Les trouvailles des fouilles sont détruites par les Turcs en 1898. Seuls de rares objets furent conservés, surtout des jarres que Minos avait eu le temps d’offrir au Louvre, Madrid, Rome et aussi à Oxford, le siège de Sir Arthur Evans avec lequel il correspondait dans le but de soulever l'intérêt pour Cnossos.
En 1895, son entreprise fait faillite et peu après la « libération » de la Crète en 1898, Evans rachète le site de l'excavation, poursuit les fouilles et excelle dans la gestion du projet et le développement du marché. Minos se lance alors dans l’étude du droit mais décèdera dans l’infortune en 1907.
Alors, que dire des trouvailles de Minos ? Hormis les jarres inventoriées, les rares artefacts qui ont survécu aux aléas du temps ne ressemblent à rien de ce que Sir Arthur Evans excavera. En effet, ils se caractérisent par le mélange des styles arabe et byzantin.
On comprend mieux alors pourquoi Evans passionné d'égyptologie et d’Art nouveau fera tout pour faire oublier l’existence de son malheureux prédécesseur.
En guise de conclusion, vous trouverez ,entre autres, une photographie rarissime d’Evans contemplant le majestueux Palais du roi Minos avant le début des travaux de rénovation en béton armé selon le procédé Hennebique.